Martine

Enthousiaste et joyeuse, Martine est une enfant d’environ 8 ans apparue en 1954.  En plein babyboom, les éditions Casterman ont demandé au dessinateur originaire de Mouscron Marcel Marlier et au scénariste franco-belge Gilbert Delahaye de créer une héroïne pour des enfants âgés de 5 à 8 ans.

Évoluant dans un monde idéalisé, Martine est une enfant curieuse, intelligente et dégourdie. Le dessin réaliste ainsi que les prénoms très courants à cette époque permettent aux enfants de s’identifier à l’héroïne et ses amis. Les aventures de Martine se déroulent dans un quotidien serein. Les titres des albums annoncent directement l’histoire que l’enfant s’apprête à lire, créant ainsi un lien de confiance : le jeune lecteur n’aura jamais peur en lisant Martine, il plonge dans un monde rassurant. Les adultes sont aimants et les enfants se respectent. Dans les premiers albums, il n’y a presque pas d’éléments perturbateurs. Par après, il arrive que l’héroïne connaisse des imprévus, bien qu’ils ne soient jamais graves : elle est malade (1976), elle perd son chien (1986), elle soupçonne sa voisine d’être une sorcière (1989), elle tombe de son vélo (1996)…

Par sa longévité, Martine reflète la société dans laquelle évoluait ses auteurs. Dans le premier album intitulé Martine à la ferme (1954), elle découvre les animaux de la basse-cour, à une époque où la vie rurale et le cadre bucolique des fermiers sont idéalisés par les citadins. Dans les albums suivants, elle découvre divers loisirs (les voyages, le cirque, les vacances, le zoo, les sports), dans une époque surnommée les « Trente Glorieuses » qui fait la part belle à la consommation. Le confort et la modernité envahissent les foyers : électroménager, voitures, maison pavillonnaire mais aussi croisière de luxe (Martine part en bateau), voyages en train et en avion… A la fin des années 1980, la série évolue et Martine s’intéresse de plus en plus à la nature, à l’environnement et à l’écologie (Martine protège la nature parait en 2009).

En 1976, la jupe de l’héroïne est troquée pour un jeans. Dans une interview donnée en 2004[1].le dessinateur explique qu’il a changé la tenue de Martine suite aux critiques sur les nombreuses représentations de la culotte de la fillette. Il cherchait, selon lui, à reproduire fidèlement les postures des jeunes enfants. Pour réaliser ses dessins, Marcel Marlier et son épouse photographiait des jeunes filles pour rendre les représentations les plus réalistes possibles[2]. Dans d’autres albums, Martine fait des incursions dans le monde des adultes et se livre à des activités domestiques dans une sorte de mimétisme (L. Boudart, 2021). Dans Martine petite maman (1967) par exemple, elle change la couche de son petit frère, lui donne un bain et lui prépare son biberon. Dans Martine fait la cuisine (1974), elle suit une recette tandis que son petit frère fait la vaisselle, dans un décor qui étale l’électroménager de l’époque.

L’héroïne reflète ainsi les exigences conformistes des années 1950, mais elle montre également les prémisses d’une émancipation des femmes par sa débrouillardise et ses nombreux apprentissages (elle fait de la voile, du ski, de la montgolfière, etc.) (L. Boudart, 2021).

Avec plus de 150 millions d’albums vendus entre 1954 et 2022 dans trente langues différentes, la série a connu un succès retentissant. Cette fresque a été inaugurée en 2004, à l’occasion des 50 ans de la série, et tenait compte du percement de plusieurs fenêtres prévues quelques années plus tard.

[1] https://www.liberation.fr/culture/2004/10/08/martine-50-ans-reculottee_495192/

[2] https://www.sudinfo.be/art/1219851/article/2015-02-22/mouscron-petite-nathalie-a-ete-un-des-modeles-de-martine

Scénariste : Gilbert Delahaye (1923-1997)

Dessinateur : Marcel Marlier (1930-2011)

Maison d’édition : Casterman

Année de création de Martine : 1954

Création originale de Marcel Marlier