Tireur à l'arc

Durant sa carrière, Jef Lambeaux a réalisé un certain nombre de statues viriles en bronze, qui sont autant de brillantes études anatomiques et de prétextes à restituer les muscles raidis par l’effort dans une démarche purement plastique. Le Tireur à l’arc de Schaerbeek appartient à cette catégorie d’œuvres et plus particulièrement celles liées au thème du chasseur d’oiseau. Le sculpteur a été fasciné par ce rapport entre l’homme, attaché à la glaise, et l’oiseau de proie, incarnation de liberté, d’indépendance et de puissance, que ce soit dans une confrontation directe et brutale, comme Le Dénicheur d’aigle (1890-1892, bronze, exemplaire aux MRBAB de Bruxelles, inv. 11366) ou une soumission, non moins violente, de l’homme impuissant face à l’assaut de l’oiseau carnassier avec sa figure de Prométhée (bronze ca. 1892, Anvers, jardin zoologique). Dans le cas du tireur à l’arc, il chasse vraisemblablement aussi un oiseau. Le fait qu’il pointe sa flèche vers le ciel en concentrant son regard sur une cible située en hauteur donne du crédit à cette hypothèse.  La flèche vient-elle d’être décochée ? Ni le corps ni l’attention du chasseur ne sont relâchés. Jef Lambeaux nous donne à voir une nouvelle étude d’homme où la tension musculaire est à son paroxysme, depuis les pieds solidement campés au sol jusqu’à la main gauche cramponnée à l’arc bandé au-dessus de la tête du personnage. On retrouve, dans cette statue de plus d’un mètre de haut, l’appétence du sculpteur pour une structure oblique hardie, une recherche d’équilibre des formes pleines et vides, et une déclamation rhétorique mise au service du pouvoir suggestif de l’image.

Auteur : Association du Patrimoine artistique, A. Jacobs, 2021