Datation
Matériaux
Exposition
Dimensions
Numéro d'inventaire
Identifiant Urban
Description
La fin des années
60 voit l’émergence de bouleversements sociétaux dont mai 68 deviendra l’emblème,
qui rejettent l’ordre bourgeois d’une société conservatrice. Parallèlement à ces changements, apparaît un
mouvement de libération de la femme, avide de pouvoir se libérer des carcans
étroits d’une domination masculine prégnante. Dans le monde artistique secoué
par la Pop culture, les artistes femmes vont revendiquer une place à part entière.
En Belgique, Evelyne Axell sera une figure importante de ces artistes féminines dans la mouvance du Pop art avant qu’une mort accidentelle à l’âge de 37 ans, en septembre 1972, ne mette un terme brutal à sa carrière.
Après avoir été mannequin, comédienne, présentatrice de télévision, elle s’épanouit dans son métier de peintre et va créer une œuvre libre et affirmée. Le grand critique Pierre Restany écrira en 1969, à propos d’une de ces expositions : " La Belge Evelyne Axell rejoint la cohorte artistique du pouvoir féminin : la Française Niki de Saint-Phalle, la Japonaise Yahoi Kusama (...) Ces femmes vivent leur révolution sexuelle en vraies femmes. Elles en tirent les conséquences directes et normales : l'initiative change de camp" Pierre Restany dans un texte pour l'expo de 1969 chez Templon à Paris
Erotomobile de 1967 est à cet égard une oeuvre emblématique de sa production où s’entremêlent différents thèmes et techniques.
D’abord, la réappropriation du corps de la femme est un thème récurrent chez les artistes femmes de ces années-là. Axell est son propre modèle mais elle sort du rôle de muse pour se glisser dans celui de productrice.
L’affirmation de la nudité va de pair avec la revendication de disposer librement de son propre corps. Elle se photographie et puis reproduit sa silhouette sur du carton. Celui-ci est posé sur une toile tandis qu’elle vaporise de la peinture en spray autour de la silhouette pour créer un nu en négatif.
Ces silhouettes semblant flotter dans une mer de couleur vive monochrome ne sont pas sans rappeler la simplification expressive de la Danse de Matisse.
Ici, apparaît également le thème du double féminin. L’artiste emploie souvent des silhouettes en miroir mais selon Jean Antoine, son mari : « il s'agit pour Axell de dépeindre une sorte d'idéal féminin, un double rêvé davantage qu'une relation égalitaire. L'extrême symétrie très souvent invoquée dans la pose de ses personnages confirme cette hypothèse" (Isabelle de Longrée dans le catalogue Evelyne Axell, 2019)
Enfin, Erotomobile est une allusion au thème de la voiture, symbole de virilité très présent dans le pop art. Elle le détourne en peignant en rose un pneu qu’elle place autour des deux visages, au centre du tableau. Le pneu, objet industriel et de production mécanique devient une sorte de cadre précieux pour un probable baiser, célébration de relations homoérotiques.
Cette troisième dimension donnée par le pneu et son détournement témoignent aussi de l’influence des surréalistes et de leur collage sur Axell qui suivra des cours de peinture avec Magritte.
Si l’emploi d’une toile sur châssis, participe encore de la tradition classique de la peinture, elle ne place pas de cadre autour du tableau qui devient un espace extensible. Les personnages quittent la toile comme en témoignent leurs pieds coupés.
Œuvre hédoniste au titre provocateur, à l’effet visuel immédiat et à l’humour certain, Erotomobile témoigne à la fois de l’esthétique d’une époque et de l’identité propre d’une artiste.
Sources
GUENIN, H., GOURBE, G. SACHS, S. SEMIN, D, Les amazones du POP - She-Bam Pow POP Wizz !, exposition du 3 octobre 2020- 29 août 2021, Mamac, Nice, ed. Flammarion/MAMAC, 2020, p.29
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