Ambassadeurs : Aristide Bruant

En 1892, le chansonnier et écrivain Aristide Bruant est à l’apogée de sa carrière. Il s’est lié d’amitié avec Henri de Toulouse-Lautrec qui venait voir ses spectacles au Mirliton, cabaret que Bruant a ouvert quelques années plus tôt. Il commande à Lautrec plusieurs affiches de spectacle dont cette dernière. "Ambassadeurs" est un café-concert chic, situé sur les Champs-Elysées. 

Grand, poitrine large et bombée, l’oeil malicieux et la lèvre ironique, le personnage est traité de manière imposante. Sa silhouette massive occupe l’intégralité du premier plan. Bruant porte de larges vêtements de velours, de lourdes bottes, il revêt un long manteau à pèlerine et un chapeau aux bords immenses lorsqu’il sort. Lautrec représente en quelques traits l’essence même de la personnalité de son modèle et le réduit aux éléments caractéristiques : l’écharpe rouge, le grand chapeau noir et le gourdin qui lui tient lieu de canne. Il campe le chansonnier de trois quarts, jouant tant par la silhouette que par le fond sur lequel il se détache. Le décor est absent, seul le personnage du machiniste dans la pénombre et traité en noir introduit la profondeur. 

Pour l’anecdote, le directeur des "Ambassadeurs" avait accepté de payer l’affiche mais s'est effarouché lorsqu’il la vit, la trouvant trop audacieuse dans sa composition, trop brutale et vulgaire pour sa clientèle quelque peu snob. Il a fallu, pour qu’il l’accepte, que Bruant le menace de ne pas monter sur scène. Il a exigé qu’elle soit exhibée de chaque côté de la scène et placardée dans toute la ville le soir même de la représentation.