Le Beffroi-Ypres

S’il existe un artiste belge qui reflète bien le foisonnement des tendances esthétiques de la fin du XIXe siècle, c’est Servais Detilleux. Il fut tour à tour réaliste, naturaliste, luministe et postimpressionniste. Artiste prolifique, il pratiqua plusieurs genres picturaux tels que le paysage, la nature morte, le portrait et la peinture d’histoire. Il fut également sculpteur, dessinateur et affichiste. Pendant la guerre 1914-1918, il s’enrôla comme volontaire. Vers 1916, avec la stabilisation du front de l’ouest, il fut engagé comme peintre-soldat et exécuta, dans ce contexte, de nombreux tableaux inspirés des horreurs du front de l’Yser. À l’issue de la guerre, les principales villes situées sur la ligne de front, Nieuport, Dixmude et Ypres, avaient été entièrement détruites.

Beffroi-Ypres montre dans un paysage désolé, dépourvu de toute présence humaine, les décombres de l’imposante bâtisse du XIIIe siècle après les bombardements de l’armée allemande. Detilleux représente les ruines de la Halle aux draps, dont la tour constituait le beffroi d’Ypres – ancien symbole d’autonomie communale – sans rhétorique et sans fard, tel qu’il les perçoit à travers sa sensibilité et sa fibre artistique.

Servais Detilleux utilise un style inédit qui marque d’ailleurs l’ensemble de sa production artistique en tant qu’artiste-soldat : l’emploi de tons nuancés à caractère luministe joint à une approche réaliste du sujet. La vision du patrimoine en ruine, telle que de nombreux artistes-soldats l’ont exprimée dans leurs œuvres, a suscité de vives émotions et un élan patriotique auprès du public belge pendant et après les hostilités.