Loth et ses filles

Le tableau illustre un épisode du récit biblique de Loth et de la destruction de Sodome et Gomorrhe. Ayant fui la colère divine qui s’était abattue sur Sodome et après que son épouse ait été transformée en statue de sel pour avoir regardé en arrière, Loth et ses deux filles s’abritèrent dans une caverne en montagne. S'inquiétant de ne plus trouver d'homme dans le pays, les deux sœurs décidèrent de faire boire leur père afin de l’enivrer et de s’accoupler avec lui (Genèse 19, 31-35).

La scène est située dans une grotte dont les parois semblent recouvertes de végétation. On aperçoit la fille aînée de Loth versant abondamment le vin dans la coupe que tient son père, aidée par sa jeune sœur qui regarde dans la direction de sa complice tout en passant sa main dans les cheveux du vieil homme. À leurs pieds, des feuilles de vigne et une grappe de raisin renvoient à Bacchus et au péché. Le vieillard semble déjà ailleurs, l’esprit embrumé par le breuvage. Le peintre a choisi de mettre le visage de l’aînée, qui fut à l’initiative de la manœuvre incestueuse, dans la lumière, tandis que celui de la cadette est laissé en grande partie dans l’ombre.

L’épisode a été abondamment représenté dans les arts graphiques européens. Il a notamment rencontré un grand succès auprès des artistes flamands, hollandais et italiens au xvii^e siècle. Le tableau de Saint-Gilles était anciennement attribué à Gaspar de Crayer (Anvers, 1584 – Gand, 1669), quoique rien dans le style, la gamme chromatique ou les visages ne concorde avec la manière caractéristique du peintre. La composition dérive plutôt des versions italiennes du sujet. On pense à la version du Génois Giovanni Battista Langetti (Gênes, 1625 – Venise, 1676) vendue à New York en 2013 (vente Sotheby’s, 31 janv. 2013, n° 215), mais aussi à celles des Napolitains Andrea Vaccaro (Naples, 1604 – Naples, 1670) conservée au Museo Nacional de Bellas Artes de Rio de Janeiro, et Luca Giordano (Naples, 1634 – Naples, 1705) conservée dans les Staatliche Kunstsammlungen de Dresde, Gemäldegalerie Alte Meister Dresde (inv. Gal.-Nr. 490). Du point de vue du style, la toile de Saint-Gilles se rapproche particulièrement de la peinture napolitaine de cette époque.

Auteur : Association du Patrimoine artistique, A. Dimov, 2021