Datation

1980 (daté )

Dimensions

hauteur 20 cm — largeur 11 cm

Numéro d'inventaire

12569

Identifiant Urban

91066
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Description

MordecaÏ Moreh naît en 1934 à Bagdad dans une famille aisée de la bourgeoisie juive. Son père est chef comptable d’une société anglaise d’import-export. Cependant, si le style de vie familiale est plus occidental qu’oriental, spirituellement, les Moreh vivent en respect de la tradition juive. Le jeune Mordecaï commence à dessiner dès l’âge de 4 ans et à 6 ans, il connaît la plupart des récits de la bible, du midrash (exégèse rabbinique de la Bible), ainsi que des fables de Jean de La Fontaine. Ces récits continueront toujours à exercer une fascination sur lui. Moreh s'intéresse par la suite à Michel-Ange, Léonard de Vinci et Rembrandt, apprend l'arabe, l'hébreu et l'anglais et lit beaucoup.
La Seconde Guerre mondiale éclate et sa famille reste confinée chez elle de peur du farhoud (pogrom). La guerre terminée, une fracture profonde s'opère entre les Juifs et les Arabes à Bagdad et Moreh ne veut plus rester au pays et décide de partir en Israël. 
A quatorze ans, en 1951, il émigre en Israël et est hébergé dans une série de camps de réfugiés successifs. Il y dessine tout le temps, car pour lui, c’est le seul moyen de garder le contact avec la réalité. À cette époque, il réalise de nombreux portraits, surtout imaginatifs ; le dessin devient son seul lien avec le monde extérieur, ayant continuellement « des visions d'images d'un personnage gigantesque dansant et en même temps piétinant un autre personnage plus petit ». L'année suivante, sa mère, l'une de ses sœurs et ses trois frères, arrivent en Israël. Ils vivent dans un camp d'immigration de Jérusalem et vont à l'université hébraïque de la ville, tandis que leur père reste au pays pour ses affaires jusqu'en 1962. 
Au collège hébraïque, il découvre l’histoire du peuple hébreux. De 1955 à 1959 il suit des études artistiques à l’école Bezalel de Jérusalem, dont l’organisation ne lui convient pas forcément. L’école mettant plus l’accent sur les cours de publicité et d’artisanat que sur ceux liés aux beaux-arts. Les intérêts artistiques surréalistes et visionnaires de Moreh font qu’il se sente incompris bien qu’apprécié par ses condisciples et ses professeurs, dont Jacob Pins et Jakob Steinhardt font partie. En 1959, une section « Beaux-Arts » est enfin créée à l’école et Moreh y étudie la peinture et la gravure sur bois. 
En gravure, Mordecaï Moreh utilise principalement la technique de la pointe sèche, qu'il accompagne parfois d'une autre technique, comme l'eau-forte et l'aquatinte, surtout pour les sujets en couleur. Il réalise aussi des gravures sur bois et des linogravures. Mordecai Moreh a une habile tendance à la caricature et généralement pour une forme de fantastique teinté d'humour. Ce fantastique est très présent, voire oppressant, dans son œuvre pictural, il explique : « Mes tableaux sont des visions qui s'imposent à moi. Elles font même plus que s'imposer, elles m'envahissent et me possèdent comme des forces contraignantes inévitables. Son thème de prédilection est la représentation d'animaux, et plus particulièrement d'un bestiaire propre à lui ; ces animaux sont souvent représentés blessés, crucifiés, pour dénoncer la cruauté et l'injustice de l'Homme. Son œuvre est marquée par une recherche spirituelle incessante, tant dans le bouddhisme que le mysticisme chrétien ou au travers de sa propre iconographie. 

Moreh est considéré comme un maître des techniques de gravure à la pointe sèche et de gravure en couleur. On a dit que ces deux méthodes résument l'artiste : il est cruel dans la pointe sèche, son aiguille mordant le métal, mais tendre dans ses gravures colorées, étalant ses teintes "à la poupee". À l'instar de ses techniques, Moreh est lui aussi complexe, à la fois cruel et tendre. Le traitement de ses sujets révèle sa personnalité. Bien qu'il soit doté d'un vif sens de l'humour, ses scènes fantaisistes sont souvent assombries par la tragédie. Fantaisie exubérante et discipline stricte, imagination et réalité coexistent dans son œuvre, montrant un univers à la fois amusant et sinistre. Les animaux réalistes et fantastiques de Moreh proclament l'humour et la tragédie de l'existence. Son regard est visionnaire, suscitant des symboles et des images mythiques dans un monde transparent où coexistent la vie, le rêve et le mythe. Nombre de ses gravures ont un caractère prophétique, où le passé et l'avenir se mêlent dans une vision foisonnante de formes subtiles. Cet artiste philosophe et cultivé expose dans son art le mystère de l'humanité, son humour, ses fragilités, ses cruautés et ses peurs. Moreh possède un don remarquable pour dépeindre la "réalité", la condition humaine et le passage du temps. Pour y parvenir, il a choisi ses supports avec soin. En utilisant la méthode spontanée de la pointe sèche, il crée des formes comme s'il peignait au pinceau. La résistance de l'aiguille sur la plaque est pour Moreh le moyen vital et nécessaire pour exprimer et transmettre les sentiments avec une grande précision. Maître du médium, l'aiguille de l'artiste réagit à la moindre touche, formant une ligne accentuée qui varie entre une structure très fine et une structure très large, et qui combine en elle à la fois force et douceur. Moreh peut ainsi réaliser son sujet dans tout son volume et sa masse en ne traçant que son contour. La richesse de son trait est un art en soi.

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