Moreh est considéré comme un maître des techniques de gravure à la pointe sèche et de gravure en couleur. On a dit que ces deux méthodes résument l'artiste : il est cruel dans la pointe sèche, son aiguille mordant le métal, mais tendre dans ses gravures colorées, étalant ses teintes "à la poupee". À l'instar de ses techniques, Moreh est lui aussi complexe, à la fois cruel et tendre. Le traitement de ses sujets révèle sa personnalité. Bien qu'il soit doté d'un vif sens de l'humour, ses scènes fantaisistes sont souvent assombries par la tragédie. Fantaisie exubérante et discipline stricte, imagination et réalité coexistent dans son œuvre, montrant un univers à la fois amusant et sinistre. Les animaux réalistes et fantastiques de Moreh proclament l'humour et la tragédie de l'existence. Son regard est visionnaire, suscitant des symboles et des images mythiques dans un monde transparent où coexistent la vie, le rêve et le mythe. Nombre de ses gravures ont un caractère prophétique, où le passé et l'avenir se mêlent dans une vision foisonnante de formes subtiles. Cet artiste philosophe et cultivé expose dans son art le mystère de l'humanité, son humour, ses fragilités, ses cruautés et ses peurs. Moreh possède un don remarquable pour dépeindre la "réalité", la condition humaine et le passage du temps. Pour y parvenir, il a choisi ses supports avec soin. En utilisant la méthode spontanée de la pointe sèche, il crée des formes comme s'il peignait au pinceau. La résistance de l'aiguille sur la plaque est pour Moreh le moyen vital et nécessaire pour exprimer et transmettre les sentiments avec une grande précision. Maître du médium, l'aiguille de l'artiste réagit à la moindre touche, formant une ligne accentuée qui varie entre une structure très fine et une structure très large, et qui combine en elle à la fois force et douceur. Moreh peut ainsi réaliser son sujet dans tout son volume et sa masse en ne traçant que son contour. La richesse de son trait est un art en soi.
Bestiaire fantastique de Moreh. Ces animaux qui sortent
directement de l’imaginaire de leur créateur constituent aussi des sortes
d’archétypes révélateurs de l’angoisse ainsi que des aspirations et du destin
des êtres humains.
En 1962 Moreh, muni d’une bourse d’étude donnée par l’Etat
italien, part suivre des cours artistiques à l’académie des Beaux-Arts de Florence.
Les impressions récoltées lors de promenades dans cette ville et l’étude de
carcasses d’animaux donneront naissance à toute une série de dessins d’animaux
martyrisés ou blessés qui symbolisent la cruauté, l’injustice, la persécution
et la mort.
Pour Moreh, le plus important n’est pas de suivre un style
particulier, ou d’apprendre de nouvelles techniques artistiques, mais plutôt
d’acquérir toujours plus d’habilité dans les capacités de représentation de
façon à être ensuite capable de rendre de la meilleure manière possible et le
plus fidèlement ce qu’il a envie de représenter. Pour lui, dans n’importe
quelle discipline l’artiste doit être d’abord inspiré par son propre monde
intérieur et par ses propres expériences vécues, plutôt que de se positionner
par rapport au marché de l’art, de vouloir être à la mode, ou de copier
d’autres artistes à succès.