Le jugement de Paris

Au premier coup d’œil, cette grande toile d’Émile Vermeersch, datée de 1913, semble représenter Adam et Ève dans une version inversée, la pomme offerte par l’homme. En effet, à droite, un jeune homme presque nu et blond, dans un contrapposto très classique, tend une pomme à une grande femme nue qui se courbe étrangement vers lui. Derrière elle, deux autres femmes ont été peintes et donnent la clé de lecture. La scène représente le jugement de Pâris, épisode d’une tragique naïveté, annonciateur de la Guerre de Troie. Pâris, face aux trois déesses Aphrodite, entièrement nue, Héra, symbolisée par le paon, et Athéna, étrange, en rouge, s’apprête à récompenser la première de la pomme de la Discorde (Eris).

La pose et la chevelure du jeune prince troyen, calquées sur l’Adam d’Albrecht Dürer (gravure, Adam et Eve, 1504, https://www.metmuseum.org/art/collection/search/336222 ), les hésitations dans l’anatomie d’Aphrodite aux longs membres, les arcs de rosiers surplombant les personnages, trahissent le travail académique d’un peintre non encore accompli. Le traitement des couleurs un peu pastel et la touche vaporeuse posant une sorte de brouillard sur la composition, laissent transparaitre l’influence symboliste des peintres contemporains de Vermeersch, comme Jean Delville ou Constant Montald.