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Type d'objet
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Techniques
Exposition
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Dimensions
Numéro d'inventaire
Identifiant Urban
Description
En disciple de Platon, Jean Delville invite à s'échapper des pièges de
la matière pour contempler l'Idée dans son azur élyséen. Peint en 1894, L'Ange
des splendeurs témoigne du désir d'absolu qui anime l'ensemble de la
génération symboliste. Dans un paysage vaporeux digne de Léonard de Vinci, un
corps masculin anéanti de plaisir se détache des entraves terrestres et des
signes du péché symbolisé par les serpents. Il monte au ciel guidé par un ange
de lumière dressé en un chiffre rayonnant. La peinture de Delville se révèle
allégorique. La femme y est devenue l'agent de cette libération qui conduit au
savoir. Sans y paraître, Delville a inversé le sens de la Chute et récusé
l'imaginaire décadent qui confinait la femme dans un registre purement
maléfique.
La figure de l'ange témoigne d'un maniérisme inspiré des Italiens du XVIe
siècle. Le peintre en a retenu la figura serpentina dont le tracé relève
à la fois des conventions et de la libre invention, de la règle et du caprice,
de l'observation et de l'imagination. Cette ligne serpentine, qui vaudra à Loïe
Fuller son premier triomphe en 1892, participe du trait qui nomme l'objet et de
la ligne aérienne qui se déploie en durée par l'ornement. Delville appartient à
ce renouveau maniériste dont La Mission de l'art, un opuscule qu'il
publiera en 1900, porte la marque : « L'art a commencé par le dessin, par la
ligne, et la ligne c'est l'essence même de la plastique. » Pour Delville, le
dessin témoigne d'un ordre métaphysique dont l'ange s'est fait le héraut.
L'ambiguïté érotique qui domine la représentation du corps masculin tient d'une
poétique de l'extase qui, du Cycle des passions commencé quinze ans plus
tôt à L'Amour des âmes réalisé en 1900, traverse l'œuvre sans cesser
d'évoluer.
La fluidité aérienne de la ligne accompagne le mouvement ascensionnel
avec un lyrisme qui annonce l'émergence prochaine de l'Art nouveau. Maniériste,
l'ascèse révèle la complexité d'un mouvement symbolique. La ligne serpentine
qui donne aux corps cette pose travaillée se double de plissés qui lient les
deux figures en un même épanchement sensuel. Elle s'anime librement pour aller
de la robe de l'ange à la chevelure de l'élu. Tout vibre d'une même caresse qui
fait de l'idéalité un ornement spirituel justifiant la peinture dans sa qualité
décorative même. (d'après Michel Draguet in 20 chefs-d'oeuvre de la
collection Gillion Crowet)
Sources
DRAGUET, M., 20 chefs-d'oeuvre de la collection Gillion Crowet / 20 meesterwerken van de verzameling Gillion Crowet , catalogue d'exposition/ tentoonstellingcatalogus, Bruxelles, 2006, p. 30-31.
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