Emplacement
Datation
Type d'objet
Matériaux
Techniques
Style
Exposition
Inscriptions
Dimensions
hauteur 236.2 cm — largeur 151 cm (sans cadre)
Numéro d'inventaire
Identifiant Urban
Description
Dans une lettre adressée au Conservateur du Musée d’Ixelles en
1952, l’artiste Jean Delville évoque cette œuvre monumentale comme “l’une de
ses plus caractéristiques”. Peinte en 1900, “L’Amour des Âmes” fait
immédiatement fonction de vitrine pour son art, étant exposée la même année au
Salon de la Libre Esthétique, ainsi qu’à l’Exposition universelle à Paris.
Delville nous fait lever les yeux vers deux figures entrelacées jusqu’au bout des doigts, les paupières closes, dans leur monde. Porté par des volutes ondoyantes, le couple semble s’élever vers une source de lumière céleste, bordée de flammèches. Les teintes complémentaires jaunes et bleues font ressortir les deux figures éthérées, à la chair finement modelée, couleur statuaire. A la hauteur de leurs pieds, Delville inclut des fragments de firmament, une planète, un soleil, des astres étincelants... Cette iconographie s’inscrit dans le développement d’un art qualifié d’idéaliste, proche du symbolisme. Selon Delville, l’artiste doit être un “élévateur d’esprit”, à la recherche d’une communion spirituelle et esthétique totale – à l’image de ce couple, incarnant “l’harmonie suprême entre deux êtres qui s’évadent ensemble vers l’infini” (F.-C. Legrand) ?
Autre caractéristique idéaliste, l’artiste semble avoir puisé dans
une grande diversité de sources, qu’il combine librement. “ L’Amour des Âmes” a
surtout été rapproché du mythe de l’androgyne, corps hybride séparé par les
dieux en deux moitiés, un homme et une femme, qui chercheraient dès lors à se
rejoindre pour retrouver leur unité originelle. Décrit dans l’Antiquité par
Platon, l’androgyne est réinvesti par les idéalistes fin-de-siècle, amateurs
d’absolu. Une des esquisses préparatoires à l’œuvre révèle une annotation de
Delville, “voir le Pentacle de Kunrath”, cette fois une référence à un
alchimiste ésotérique allemand du XVIe siècle.
Delville puise également dans un passé revisité pour la technique
employée. Il a régulièrement avancé qu’il a peint son tableau à l’œuf, procédé
très ancien, même si une étude matérielle a dévoilé qu’il a aussi utilisé de la
gouache et de l’huile. Formellement, par sa célébration de la ligne courbe,
“L’Amour des Âmes” évoque aussi bien la Renaissance italienne – ayant remporté
le Prix de Rome en 1895, Delville vient de passer du temps en Italie, auprès
des figures serpentines de Botticelli et des élongations maniéristes –, que
l’Art nouveau, qui lui est contemporain. Pour Delville, la ligne constitue le
fondement de tout : “L’Art a commencé par le Dessin, par la Ligne, et la
Ligne c’est l’essence même de la Plastique… La Ligne, dans les choses de la
Nature, c’est la signature de Dieu.” (La
Mission de l’Art, 1900). Elle lui permet ici de donner forme à son
rêve de dépasser toute dualité, par un élan d’amour transcendant.
Sources
CARPIAUX,
V. (éd.), Jean Delville. Maître de l’idéal,
Somogy / Musée Félicien Rops, Paris, 2014, p. 68, p. 78.
CLERBOIS, S., L’ésotérisme et le symbolisme belge, Pandora, Anvers, 2012, p. 142.
COLE,
B., Jean Delville. Art between Nature and
the Absolute, Cambridge Scholars Publishing, Newcastle-upon-Tyne, 2015, pp.
293-304.
d'HUART, N. et FORNARI, B, Musée communal
d'Ixelles, Crédit Communal (Musea Nostra), Bruxelles, 1994, p. 56.
DRAGUET,
M., Le symbolisme
en Belgique, Fonds Mercator / Musées royaux des
Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles, 2010, p. 273.
GUEGUEN, D., Jean Delville. La contre-histoire, Lienart, Paris, 2016, pp. 103-104.
Discussion