Datation

1908

Matériaux

Exposition

Decadence and Dark Dreams. Belgian Symbolism, 18 septembre 2020 — 17 janvier 2021

Dimensions

hauteur 48 cm — largeur 63 cm (sans cadre)
hauteur 70.2 cm — largeur 85.2 cm — profondeur 5.5 cm (avec cadre)

Numéro d'inventaire

ÉTAT 7594

Identifiant Urban

29570
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Description

La Nuit réunit des motifs chers à l’artiste ostendais Léon Spilliaert : la mer, la digue, les Galeries royales de sa ville natale. Parfois, Spilliaert privilégie des paysages déserts ; ici, il inclut un homme de dos qui titube, élément vacillant parmi les lignes droites des colonnes et des réverbères. Comme souvent, l’artiste, largement autodidacte, mixe les techniques : pour sa Nuit, Spilliaert combine Encre de Chine, lavis, pinceau et pastel sur papier, qu’il préfère à l’huile sur toile, estimée « poisseuse… capable ni de légèreté, ni de transparence ».
Nous sommes en 1908 ; l'assimilation personnelle du symbolisme fin-de-siècle s’exprime dans le mystère et le silence qui baignent cette vision vespérale, précipitant des éléments reconnaissables d’Ostende dans une atmosphère de rêve. Mais en ce tout début du XXe siècle, Spilliaert s’affirme aussi comme un artiste d’une modernité remarquable, à travers son économie de moyens (un espace géométrisé, une palette essentiellement monochrome, des grandes plages dénuées de détails), et la force expressive qui s’en dégage.
Le sujet a souvent été rapproché de sa propre vie, Spilliaert s’étant livré à de nombreuses promenades la nuit. Avec cette scène plongée dans l’obscurité, Spilliaert s’inscrit aussi dans la tradition des nocturnes, pratiqué par de nombreux artistes, de Whistler à Degouve de Nuncques. L’historien de l’art Denis Laoureux avance que le nocturne permet à Spilliaert « d’estomper les limites des choses » et ainsi, de « déréaliser les paysages ». Laoureux décrit le spectre noctambule dans La Nuit comme « une silhouette désincarnée en proie à un déséquilibre, qui connote un sentiment de vertige intérieur ». La figure ondulante au geste énigmatique a déjà fait couler beaucoup d’encre, amenant Anne Adriaens-Pannier à suggérer « un mouvement incantatoire », et Sébastien Mullier à y voir « un élégant prenant appui sur les colonnes (…) dans un état second, atteint d’ébriété ou de somnambulisme ».
En misant sur cette indéfinition, Spilliaert nous entraîne vers des horizons incertains, loin d’une captation mimétique de la réalité. Cette distanciation onirique est encore soulignée par l'application ponctuelle d'un cerne de pastel bleu outremer autour des formes, qui se révèle quand on se rapproche de l'œuvre. 

Sources

Spilliaert : œuvres de jeunesse (1900-1918) : exposition : Paris, Musée-Galerie de la Seita, du 18 décembre 1997 au 28 février 1998, Musée-Galerie de la Seita, p. 149.

LAOUREUX, D., Une nuit d’encre. Les nocturnes de Léon Spilliaert, in
Léon Spilliaert : un esprit libre : exposition : Bruxelles, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, du 22 septembre 2006 au 4 février 2007, pp. 73-74.

 

MULLIER, S., Un « drame somnambulique ». Spilliaert, Maeterlinck et le théâtre de l’esprit, in Léon Spilliaert (1881-1946) : Lumière et solitude : exposition : Londres, Royal Academy of Arts, 19 février - [fermée le 17 mars 2020 ; rouverte en juillet 2020] - 20 septembre 2020 ; Paris, Musée d'Orsay, 13 octobre 2020 - 10 janvier 2021, p. 166.
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