Datation
Exposition
Dimensions
hauteur 70.2 cm — largeur 85.2 cm — profondeur 5.5 cm (avec cadre)
Numéro d'inventaire
Identifiant Urban
Description
La Nuit réunit des
motifs chers à l’artiste ostendais Léon Spilliaert : la mer, la digue, les
Galeries royales de sa ville natale. Parfois, Spilliaert privilégie des
paysages déserts ; ici, il inclut un homme de dos qui titube, élément vacillant
parmi les lignes droites des colonnes et des réverbères. Comme souvent, l’artiste,
largement autodidacte, mixe les techniques : pour sa Nuit, Spilliaert combine Encre de Chine, lavis, pinceau et pastel
sur papier, qu’il préfère à l’huile sur toile, estimée « poisseuse… capable ni de
légèreté, ni de transparence ».
Nous sommes en 1908 ; l'assimilation personnelle du
symbolisme fin-de-siècle s’exprime dans le mystère et le silence qui baignent cette vision vespérale, précipitant des éléments reconnaissables d’Ostende dans
une atmosphère de rêve. Mais en ce tout début du XXe siècle, Spilliaert
s’affirme aussi comme un artiste d’une modernité remarquable, à travers son
économie de moyens (un espace géométrisé, une palette essentiellement
monochrome, des grandes plages dénuées de détails), et la force expressive qui
s’en dégage.
Le sujet a souvent été rapproché de sa propre vie, Spilliaert s’étant livré à de nombreuses promenades la nuit. Avec cette scène plongée dans l’obscurité, Spilliaert
s’inscrit aussi dans la tradition des nocturnes, pratiqué par de nombreux artistes, de Whistler à Degouve de Nuncques. L’historien
de l’art Denis Laoureux avance que le nocturne permet à Spilliaert « d’estomper
les limites des choses » et ainsi, de « déréaliser les paysages ». Laoureux
décrit le spectre noctambule dans La Nuit
comme « une silhouette désincarnée en proie à un déséquilibre, qui connote un
sentiment de vertige intérieur ». La figure ondulante au geste énigmatique a
déjà fait couler beaucoup d’encre, amenant Anne Adriaens-Pannier à suggérer «
un mouvement incantatoire », et Sébastien Mullier à y voir « un élégant prenant
appui sur les colonnes (…) dans un état second, atteint d’ébriété ou de
somnambulisme ».
En misant sur cette indéfinition, Spilliaert nous entraîne
vers des horizons incertains, loin d’une captation mimétique de la réalité.
Cette distanciation onirique est encore soulignée par l'application ponctuelle d'un
cerne de pastel bleu outremer autour des formes, qui se révèle quand on
se rapproche de l'œuvre.
Sources
Spilliaert : œuvres de jeunesse
(1900-1918) : exposition : Paris, Musée-Galerie de la Seita, du 18 décembre
1997 au 28 février 1998, Musée-Galerie de la Seita, p.
149.
LAOUREUX, D., Une nuit d’encre. Les nocturnes de Léon Spilliaert, in Léon
Spilliaert : un esprit libre : exposition : Bruxelles, Musées royaux des
Beaux-Arts de Belgique, du 22 septembre 2006 au 4
février 2007, pp. 73-74.
Discussion